LE DIALECTE BERBERE DES AURÈS*

Algérie : le chaoui, tašawit

par Salem Chaker




Le dialecte berbère des Aurès (θašawiθ > hašawiθ, θaqbayliθ > haqbayliθ ; arabe : chaouia [šawiya]), le second d'Algérie par l'importance démographique, est sans doute l'un des plus mal connus parmi les grands dialectes berbères. La documentation publiée qui lui est consacrée reste des plus limitée : l'inventaire bibliographique fourni ci-dessous peut être considéré comme quasiment exhaustif. Beaucoup de ces titres sont d'ailleurs très vieillis et peu fiables, ou ne comportent que de courts fragments littéraires.

En fait, les deux seuls travaux conséquents et (relativement) récents sont le recueil de textes d'André Basset (1961) et l'étude syntaxique qui en a été tirée par Thomas Penchoen (1973), qui portent sur le parler des Aït Frah (Nord de Biskra, Aïn Zaatout). Le contraste avec la bibliographie consacrée au kabyle, le dialecte géographiquement le plus proche, est saisissant. Pendant toute la période coloniale française, les Aurès sont restés une région sous-administrée et sous-scolarisée, à l'écart des grandes voies de communication et d'information ; les élites locales de formation moderne y étaient pratiquement inexistantes et la Kabylie toute proche semble avoir détournée vers elle l'essentiel de l'attention scientifique des milieux universitaires français. Et la situation n'a guère évolué depuis l'indépendance : en matière de langue, les références parues depuis 1962 se comptent sur les doigts de la main.

Sociolinguistique

Les données sociolinguistiques de base, les divisions linguistiques internes à la région et surtout l'évaluation démographique de la population berbérophone des Aurès restent très floues.

Au début de ce siècle, l'enquête systématique de Doutté/Gautier (1913) dénombrait 376.497 berbérophones chaouia, sur une population algérienne globale de 4.447.179 personnes, soit un pourcentage de 8,5 %. Reporté sur les données du dernier recensement algérien de 1986 (22,5 millions), ce pourcentage donnerait 1,9 millions de locuteurs chaouia, ce qui paraît un peu trop élevé.

Si l'on se réfère aux données du seul recensement algérien comportant un décompte des berbérophones (1966), les locuteurs chaouis -de la wilaya des Aurès- étaient ß 450.000 personnes, soit 3,7 % de la population d'alors (12.102.000 habitants). Sur la base de la population algérienne de 1986, ce taux de 3,7 % donnerait environ 850.000 locuteurs chaouis, chiffre qui doit être considéré comme un seuil minimum puisqu'il ne tient pas compte des aurasiens installés en dehors de leur région d'origine.

On le voit, la variation entre 1913 et 1966 est énorme : la population chaouia aurait diminué, en proportion, de plus de moitié en un demi siècle, ce qui est évidemment inconcevable et inacceptable, même si l'on doit tenir compte d'un important exode rural. Ou bien les chiffres du début du siècle sont très fortement surestimés – mais cela est peu probable car ils résultent d'une enquête spécifique, commune par commune –, ou bien les statistiques algériennes sous-évaluent gravement la berbérophonie aurasienne. Pour tout un ensemble de raisons (Cf Chaker 1984, p. 9), c'est certainement la seconde explication qu'il faut retenir en priorité.

D'autant que le bilinguisme berbère/arabe est très général dans cette région, même en milieu féminin, et que, jusqu'à ces toutes dernières années, la fierté linguistique berbère était un phénomène rare chez les Aurasiens (sur cette question, voir : Maougal 1981 et 1984). Bien au contraire, ils éprouvaient généralement un fort complexe d'infériorité linguistique devant les arabophones et évitaient d'utiliser leur langue en dehors de leur communauté. On en trouve du reste un indice numérique flagrant dans les résultats du recensement algérien de 1966 : pour la wilaya des Aurès, centrée sur le massif berbérophone, seules 44,5 % des habitants déclarent avoir le berbère comme langue maternelle, ce qui est nécessairement non conforme à la réalité ; même dans les communes rurales des Aurès, la majorité de la population déclare souvent avoir l'arabe comme langue maternelle ! Pour comparaison, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, à la même date, 82 % des personnes indiquent le berbère comme langue maternelle...

En conclusion, on admettra que la population de dialecte chaouia se situe dans une fourchette, très large, allant de 850.000 à 1.900.000 personnes. Le million de locuteurs est donc très certainement atteint et dépassé.

Ce n'est guère que depuis une quinzaine d'années que l'on perçoit un mouvement net de référence à l'identité berbère en milieu aurasien ; il transparaît notamment dans l'émergence d'une chanson moderne – fortement influencée par la chanson kabyle –, dans laquelle la thématique identitaire est très présente : en quelques années, plusieurs groupes, plusieurs interprètes comme la chanteuse Dihya (du nom berbère de la Kahéna) se sont fait connaître. On en perçoit également un indice – très modeste encore – à travers l'intérêt porté à leur langue et à leur littérature par quelques chercheurs aurasiens (Djarallah, Hamouda, Maougal..., Cf Bibliographie).

Les divisions linguistiques des Aurès sont aussi mal établies et imprécises ; les auteurs du début du siècle (Mercier, Masqueray...) ont souvent posé une distinction tranchée entre les parlers de l'Aurès oriental, qualifiés de "zénète", et ceux de l'Aurès occidental, considérés comme "tamazight" (Masqueray : Formation des cités..., 1886, p. 169 ou Encycl. de l'Islam, p. 530). On sera assez circonspect devant cette division, très intuitive et qui manque de bases précises et systématiques : le terrain aurasien était et demeure très mal et très inégalement couvert ; cette distinction, vraisemblable, doit encore être démontrée à partir de données linguistiques objectives. On ne dispose même pas d'enquêtes extensives de géographie linguistique, comparables à celles de A. Basset en Kabylie, qui permettraient de fixer quelques grands isoglosses.

L'impression est nette, en tout cas, d'une assez grande diversité linguistique, notamment phonétique, liée au cloisonnement géographique caractéristique des Aurès.

QUELQUES DONNEES LINGUISTIQUES

Les parlers chaoui sont très proches de ceux du reste de l'Algérie du Nord -notamment du kabyle-, avec lesquels l'intercompréhension est presque toujours immédiate. Du reste, sur bien des points, les parlers de la Petite Kabylie présentent souvent plus d'affinités avec ceux de l'Aurès qu'avec ceux de la Grande Kabylie ; la coupure géographique entre le bloc kabyle et la zone chaouia est relativement récente et, il y a sans doute moins de deux siècles, la continuité linguistique (et communicationnelle) entre les deux régions était encore assurée. Si l'on se fie à l'une des toutes premières cartographies de la berbérophonie (Hanoteau 1860), il semble que ce continuum existait encore au milieu du siècle dernier par une étroite bande berbérophone reliant la Kabylie aux Aurès à travers le Sétifois.

Phonétique-phonologie

Le phonétisme chaoui présente les caractéristiques générales de celui de tous les autres dialectes berbères du Nord de l'Algérie et du Maroc :

  • Un système vocalique ternaire (/a, i, u/), sans opposition de durée avec une .voyelle centrale neutre, non phonologique [e] dont la fonction est d'éviter les successions de plus deux consonnes. Les semi-voyelles /w/ et /y/ doivent y être distinguées des voyelles correspondantes (/u/ et /y/), même si les semi-voyelles sont souvent réalisées comme voyelle dans certains contextes (finale).
  • Le système consonantique est lui-aussi très comparable à celui des dialectes de la bande nord-maghrébine, depuis le Rif jusqu'à la Tunisie ; il en partage notamment la caractéristique principale : la spirantisation généralisée des occlusives simples "berbères" /b, d, t, k…/ sont réalisées localement [ß, ð, θ, ç…].

Sur ce plan, deux caractéristiques -attestée ailleurs mais fortement marquées en chaouia- doivent être relevées :

  • La spirantisation de /t/ > [θ] aboutit fréquemment, en particulier dans un certain nombre de morphèmes de haute fréquence, au simple souffle (laryngale) /h/. Dans certains parlers, le phénomène est quasi général pour le préfixe t- des noms féminins et dans tous les paradigmes pronominaux, d'où :
    • -h < θ < t "le" (pronom personnel régime direct)
    • -hen < θen < ten "les" (pronom personnel régime direct, masculin)
    • -hent < θent < tent "les" (pronom personnel régime direct, féminin)
    • nihnin, nehni < niθni < nitni "eux" (pronom indépendant)
    • nihenti, nehenti < niθenti < nitenti "elles" (pronom indépendant)
    • hameṭṭuθ < θameṭṭuθ < tameṭṭut "femme" ;
    • hamsumta < θamsumta < tasumta "coussin" ;
    • hufa < θufa < tufa "elle a trouvé" ; hufa-hen < θufa-θen < tufa-ten "elle les a trouvés" ;
    • hemmut < θemmut < temmut "elle est morte" ;
    • henn-asen < θenn-asen < tenn-asen "elle leur à dit" ;
    • hinid < θinid < tinid "tu diras"...

Aït Abdi

A l'initiale, l'affaiblissement peut même aboutir à la disparition pure et simple selon le schéma :

t > θ > h > ø : tameṭṭut > θamettuθ > hamettuθ > amettuθ.

Les trois derniers stades de l'évolution se rencontrent en chaouia. Le phénomène semble distribué de manière très diverse dans l'ensemble aurasien et il constitue sans doute l'un des critères de classement des parlers de la région: très limité chez les Aït Frah où l'on est dans une situation presque identique celle du kabyle (/t/ > /θ/ ; Cf Basset 1961), il est en revanche fréquent chez les Ouled Sellem (Joly 1912), dans l'Ahmar-Kheddou (Mercier 1896) et quasi systématique chez Ait Abdi (Cf textes de Djarallah)...

  • La comparaison interdialectale fait également apparaître que les palato-vélaires berbères /g/ et /k/ connaissent en chaouia des traitements divers et classiques, que l'on peut retrouver dans de nombreux autres parlers berbères Nord :
    • g > y (Aït Abdi) : argaz > aryaz "homme" ; eg > ey "faire" ; mger > myer "moissonner" ; bzeg > bzy/bziy "être mouillé"...
    • g > g > j (Ahmar-Kheddou/A‹t Frah) : gar > gar > jar "entre" ; tagrest > tajrest "hiver" ; mger > mjer "moissoner" ; ajenna (< agenna) "ciel" ; ajerqil (<agertil) "natte" ; aniji (<anebgi) "invité...
    • k > š : kem > šem "toi" (fem); neknin > nešnin "nous" ; (a)kal > šal "terre"...
    • kk > cc : nekk > necc "moi" ; kkat > ccat "battre" ; nekkenti > neccenti "nous (fem.).

Inversement, la semi-voyelle berbère /y/ peut connaître localement un traitement en occlusive palatale /g, gg/ : yis > gis "cheval", yaziḍ > gaziḍ "coq" (région de Khenchela et Aïn Mlila) : teyni > qeggeni "dattes"... Devant consonne sourde – notamment le suffixe de féminin -t -, /y/ est souvent traité en /k/ > [ç] : θazdayθ > θazdaçθ, palmier ; θahyuyθ > θahyuθ, "fille"...

C'est sans doute l'ampleur et les caractéristiques particulières -surtout le traitement /k/ > /š/- de ces phénomènes d'affaiblissement qui ont conduit plusieurs descripteurs anciens à rapprocher les parlers aurasiens plutôt de ceux de l'Algérie centrale et occidentale (Chénoua, Menacer, Blida, Ouarsenis, Snous...) que de ceux de la Kabylie (Mercier, p. 11).

En revanche, on relèvera l'absence total d'affriction des dentales, phénomène si marqué en kabyle.

Quelques points de morphologie et de grammaire

  • Tendance marquée -mais diversement répartie dans la région- à la chute de la voyelle initiale a- des noms à thème de forme CV- (à première voyelle pleine ; Cf Basset 1936, p. 22) :

fus < afus "main", ṭad, ḍad < aṭad, aḍad "doigt", yaziḍ < ayaziḍ "coq", fud < afud "genou", zalaɣ < azalaɣ "bouc", lum < alum "paille" ; suf < asuf "rivière", même au féminin tɣaṭ < taɣaɣ "chèvre", tsa < tasa "foie"...

Ce phénomène est l'un des traits qui rapprochent le plus le chaoui des parlers "zénètes" du Mzab et de Ouargla où on le rencontre dans des conditions quasiment analogues.

  • Les interrogatifs chaoui (ma, matta, ani, wani, mani... ; Cf Penchoen 1973, p. 127-132 et 205-213) présentent une configuration à mi-chemin entre celle des autres parlers berbères et celle du kabyle. Comme dans les premiers, l'interrogatif de base est du type ma- (le kabyle a aš-, sans doute emprunté à l'arabe dialectal) ; mais comme le kabyle, le chaoui conserve un interrogatif (locatif) à forme de base ani, alors que tous les autres dialectes n'ont que des formes composées secondaires (ma + ani > mani).
  • La négation verbale a, comme dans la plupart des parlers berbères (Brugnatelli 1987), un signifiant discontinu. En chaoui, elle prend la forme ur...s(a) : ur ṭṭisex š "je ne dors pas".

Le second constituant, š, est souvent identifié à celui de l'arabe dialectal (ma...š ; š < ši < šay "chose") (Mercier 1896, p. 25). Malgré les apparences, cette origine n'est pas du tout certaine et l'on doit plutôt envisager une étymologie proprement berbère :

kra "chose" > šra > ša > š.

Le fonctionnement du couple ša/š dans les Aurès (Penchoen 1973, p. 40 et 53-56) et les données marocaines (Moyen Atlas) incitent à considérer le second élément de la négation comme un ancien nom, devenu pronom indéfini (Bentolila 1981, p. 111-112 et 177-178 ; Willms 1972, p. 217...). Sur ce point, il y a en fait convergence et contamination entre le berbère et l'arabe dialectal : la structure discontinue de la négation étant très certainement berbère (Brugnatelli 1987), il paraît raisonnable de retenir prioritairement l'origine berbère des matériaux morphologiques.

  • En chaoui, les verbes d'état n'ont pas de conjugaison particulière (suffixée) au thème de prétérit. Le même jeu unique de marques personnelles se combine à tous les verbes quel qu'en soit le thème. Sur ce plan, les données aurasiennes recoupent donc celles des autres parlers berbères Nord et se distinguent nettement du kabyle qui apparaît comme un dialecte très isolé sur ce plan dans l'ensemble berbère Nord.
  • Syntaxe de la phrase : comme en kabyle, l'auxiliaire de prédication d (+ Nominal) est encore bien vivant en chaou‹a (mais il a été mal perçu en tant que tel par Penchoen 1973 dont l'analyse est à revoir sur ce point):

inurar d išriken = "les aires (à battre) sont communes" (Penchoen 1973, p. 82) ; ajenna d aziza = "le ciel est bleu"; adfel d amellal = "la neige est blanche".

Outre ce morphème spécialisé dans la prédication de nominaux indépendants, de nombreux autres énoncés non verbaux sont possibles par le truchement de diverses prépositions et fonctionnels :

am "comme", di "dans", s "avec", si "depuis", n "de"... ; par

ex. : netta am tehyukt : "lui (est) comme une fille" (Penchoen 1973, p. 82-82).

[sur ce type de prédicats non verbaux, voir Chaker 1983, chap. 23 et 25 et 1984, chap. 8]

  • Le système verbal : on en trouvera une description très claire dans l'ouvrage de Penchoen (chapitre 3). On retiendra que :
  • l'aoriste, la forme morphologiquement non marquée du système, est sémantiquement neutre et exclu à l'initiale de discours.
  • l'aoriste isolé étant rare et neutre du point de vue aspectuel, la combinaison ad + aoriste devient l'opposé direct du prétérit.

Le système s'organise en conséquence autour de deux axes aspectuels : il oppose d'abord un "défini" (ou accompli) à un "indéfini" (ou inaccompli = "projectif" à préverbe ad) ; puis, il peut spécifier le verbe quant à sa généralité ou à sa durée ("extensif" = aoriste intensif).

En phrase négative, certaines des oppositions sont neutralisées et l'on ne peut rencontrer, comme en kabyle, que le prétérit ou l'aoriste intensif ("extensif"), ad étant exclu (Penchoen, p. 46).

Le lexique

Le lexique chaoui n'est guère connu qu'à travers les deux dictionnaires anciens du Père Huyghe (1906 et 1907). L'origine des matériaux n'y est pas précisée mais les termes y sont souvent donnés sous plusieurs variantes. L'utilisation de la liste diagnostic de 200 termes élaborée et mise en oeuvre par Chaker 1984 (chap. 11) donne les résultats suivants :

  • Sur 212 termes chaoui, 74 sont d'origine arabe, soit un pourcentage de 35 % ; (il est de 38 % pour le kabyle et de 25 % pour le chleuh). Il est donc légèrement inférieur que celui du kabyle, ce qui est une surprise car la plupart des auteurs ont toujours considéré le chaou‹a comme plus influencé par l'arabe et le contact berbère/arabe est bien plus intense en milieu aurasien qu'en Kabylie. L'examen de la liste permet d'identifier immédiatement la cause de ce résultat inattendu : plusieurs lexèmes fondamentaux, empruntés à l'arabe en kabyle, sont restés berbères en chaoui :
Chaouia Kabyle
"mince"
azdad arqqaq
"cheval" yis aɛudiw
"mort" tamettant lmut
"or" ureɣ ddheb
"argent" (métal) azref lfeṭṭa
"sel" tisent lmelḥ
"coudre" gni xiḍ

...

[la majorité des lexèmes berbères ne sont connus qu'à l'état d'archaïsmes en kabyle.]

  • Sur la base de cette même liste, les taux de recoupement lexical avec d'autres dialectes berbères sont les suivants :
    • chaoui/kabyle = + 150 termes communs, soit 75 %
    • chaoui/mozabite = 135 termes communs, soit 67,5 %
    • chaoui/chleuh = 115 termes communs, soit 57,5 %

Ce qui est conforme à l'image attendue et confirme la proximité étroite existant entre le chaoui et le kabyle.

On notera enfin que dans ce vocabulaire de base :

  • comme en kabyle, les noms de nombres sont d'origine arabe à partir de 2;
  • plusieurs vocables fondamentaux distinguent nettement le chaoui de son voisin kabyle et le rapprochent souvent des dialectes dits "zénètes" (Mzab, Ouargla...) ou des parlers du Maroc central :
    • aller/marcher : yur/ggur, (Mzab, Ouargla : igur)
    • pleurer : il/yil, (Maroc : all / alla)
    • tomber : ḍer / yḍu, (Mzab, Ouargla : uḍa / Maroc : ḍer)
    • s'habiller : ireḍ, (Mzab, Ouargla, Maroc central : ireḍ)
    • acheter : saɣ, (Mzab, Maroc : seɣ’)
    • donner : uš, (Mzab, Ouargla : uš / Maroc central : aš-uš)
    • parler : utlay
    • long : azegrar, azirar, (Mzab, Ouargla : azgrar)
    • lait : aɣi, (Mzab, Ouargla : aɣi / Maroc : aɣu)
    • jument : tɣallit, (Mzab : tɣallit)
    • boeuf : afunas, (Mzab, Ouargla : afunas)
    • serpent : fiɣer, (Mzab, Ouargla : fiɣer)
    • cheveu : ẓaw, (Mzab, Ouargla : ẓaw)
    • garçon/fille : ahyuy/tahyuyt
    • berger : anilti/inilti ...

Etymologie de AWRAS

Il s'agissait au départ sans doute de la dénomination d'un sommet particulier -il existe un djebel Awras dans la région de Khenchela-, puis le nom d– s'étendre à l'ensemble du massif.

Sa structure est très nettement berbère : a-CCAC est un schème nominal très fréquent (Cf argaz) ; on le rencontre, entre autres, dans certains adjectifs : awraɣ "jaune" ; afsas "léger" ; aksas "broutard"... Et il existe effectivement, dans plusieurs dialectes (Maroc central...) un un nom qualifiant référant à la couleur : awras, qui désigne le "cheval bai, alezan". Des formes adjectivales réduites, apparentées, aras/arras sont également attestées au Maroc et en Kabylie avec le sens de "brun, sombre". Il est donc possible que la désignation Awras ait primitivement référé à la couleur dominante de la montagne ("fauve", "roussâtre", "jaune rougeâtre"...).

Sources générales (berbères)

  • Recensement général de la population et de l'habitat 1966 (RADP, Ministère des finances et du plan, Commissariat national au recensement de la population) :
    • Données abrégées, résultats du sondage.
    • Résultats de l'exploitation par sondage, Alger, 1968.
    • Wilaya de l'Aurès, série 1 / volume IV, Oran 1969.
  • BENTOLILA F. : Grammaire fonctionnelle d'un parler berbère. Aït Seghrouchen..., Paris, SELAF, 1981.
  • CHAKER S. :Textes en linguistique berbère (introduction au domaine berbère), Paris, 1984.
  • DOUTTE E./GAUTIER E. F. : Enquête sur la dispersion de la langue berbère en Algérie, Alger, 1913.
  • WILLMS A. : Die dialektale Differenzierung des Berberischen, Berlin, 1980.
  • WILLMS A. : Grammatik des südlichen Beraberdialekte, Hamburg, 1972.

Sources sur l'Aurès

  • BASSET A. : Atlas linguistique des parlers berbères, Alger, 1936 et 1939 (+ cartes).
  • BASSET A. : "Sur la toponymie berbère et spécialement sur la toponymie chaouia Ait Frah", Onomastica, 1948, p. 123-126.
  • BASSET A. : Textes berbères de l'Aurès (Parler des Aït Frah), Paris, 1961, 353 p.
  • BASSET R. : Loqmân berbère..., Paris, 1890 (15 textes de l'Aurès)
  • BASSET R. : "Notice sur les dialectes berbères des Harakta et du Djerid tunisien", IXème Congrès international des orientalistes, Londres, 1891, 18 p.
  • BASSET R. : "Notes sur le chaouia de la province de Constantine (Sedrata)", Journal asiatique, 1896, 36 p.
  • DEJEUX J. : "Le bandit d'honneur en Algérie, de la réalité et l'oralité à la fiction", Etudes et Documents Berbères, 4, 1988, p. 39-60 (deux poèmes sur Ben Zelmat, p. 56-57).
  • DJARALLAH A. : "Un conte chaoui : Hend u tte?yult", Awal, Cahiers d'études berbères, 1, 1985, p. 163-175.
  • DJARALLAH A. : "Ba?yay, un conte chaoui", Awal, Cahiers d'études berbères, 3, 1987, p. 198-201.
  • DJARALLAH A. ": Un conte dans le parler des Aït Abdi (Aurès méridional)", Etudes et Documents Berbères, 4, 1988, p. 139-142.
  • HANOTEAU A. : Grammaire kabyle, Alger, 1858/1906 (texte chaoui, p. 355-357).
  • GAUDRY M. : La femme chaouia de l'Aurès. Etude de sociologie berbère, Paris, 1929 (texte poétique, p. 274-279).
  • HAMOUDA N. : "Les femmes rurales de l'Aurès et la production poétique", Peuples méditerranéens, 22-23, 1983, p. 267-279 (texte poétique).
  • HUYGHE R.P. : Dictionnaire français-chaouia, Alger, 1906, 750 p.
  • HUYGHE R.P. : Dictionnaire chaouia-arabe-kabyle-français, Alger, 1907, 571 p.
  • JOLY A. : Le chaouiya des Ouled Sellem, Suivi d'un vocabulaire, Alger, 1912, 88 p. (= Revue Africaine, 1911/4, p. 441-449 et 1912/2, p. 219-266).
  • MAOUGAL M. : "L'arabisation des Chaou‹a", Nedjma (Paris), 1, 1981, p. 20-42.
  • MAOUGAL M. : "Une étude sociolinguistique en pays chaou‹a", Nedjma (Paris), 6, 1984, p. 35-50.
  • MASQUERAY E. : "Voyage dans l'Aourâs", Bulletin de la Société de Géographie, juillet 1876 (texte, p. 55-56)
  • MASQUERAY E. : Comparaison d'un vocabulaire du dialecte des Zenaga avec les vocabulaires correspondants des dialectes Chawia et des Beni Mzab, Paris, Imprimerie Nationale, (Archives des missions scientifiques, série III, t. 5), 1879, p. 473-533.
  • MASQUERAY E. : "Le Djebel-Chechar", Revue africaine, 22, 1878, p. 26-48, 129-145, 202-214, 259-281, 1885, p. 72-110.
  • MASQUERAY E. : "Traditions de l'Aourâs oriental", Bulletin de Correspondance Africaine, III, 1885, p. 72-110.
  • MERCIER G. : Le chaouia de l'Aurès (dialecte de l'Ahmar-Khadddou), Paris, 1896, 80 p (Bull. Corr. Afric., XVII).
  • MERCIER G. : "Cinq textes berbères en dialecte chaouia", Journal Asiatique, 1900, 64 p.
  • MERCIER G. : "Les noms des plantes en dialecte chaouia de l'Aurès", XVIème Congrès International des Orientalistes, Alger, 1905, t. 2., 4ème section, p. 79-92.
  • MERCIER G. : "Etude sur la toponymie berbère de la région de l'Aurès", Actes du XIème Congrès International des Orientalistes, Paris, 1897, sect. "Egypte et langues africaines", p. 173-207.
  • PAPIER A. : "De l'étymologie des mots employés par les Grecs, les Romains, les Arabes pour désigner le Djebel Aurès", Revue de l'Afrique française, 1887.
  • PENCHOEN Th. G. : Etude syntaxique d'un parler berbère (Aît Frah de l'Aurès), Napoli (= Studi magrebini V), 1973, 217 p.
  • PLAULT : "Etudes berbères. la langue berbère dans la commune mixte de Barika", Revue Africaine, 1946, p. 194-207. (vocabulaire, bovins)
  • RIVIERE Th. : "Coutumes agricoles de l'Aurès", Etudes et Documents Berbères, 3, 1987, p. 124-152 (informations sur les documents recueillis par Th. R., cinq textes de chansons, p. 148-152).
  • SERVIER J. : Chants de femmes de l'Aurès, Thèse complémentaire pour le doctorat ès Lettres, Paris, 1955 [inédite].
  • SIERAKOWSKI : Das Schaui, ein Beitrag zur berberischen Sprach- und Volkskunde, Dresde, 1871, 137 p.
  • STRICKER B.H. : "Compte rendu de : A. Basset, Textes berbères de l'Aurès, 1961", Kroniek van Afrika (Leyde), 1967, p. 122-125.
  • STUMME H. : Arabische und berberische Dialekte, Berlin, 1928 (p. 14-19).
  • Tafsut (série normale, Tizi-Ouzou), 4, 1982, p. 24-28 : Dihya, ne? ti?ri n Wawras (texte berbère sur une chanteuse aurasienne).
  • VYCICHL W. : "Un problème de cartographie historique : Claude Ptolémée et la cartographie de la Tunisie actuelle", Polyphème (Genève), 1, 1969, 31-33 (dénominations des points cardinaux).

Article paru dans Encyclopédie berbère, fascicule VIII, 1990 : p. 1162-1169